Svetozar Gligorić, l’un des plus grands joueurs d’échecs serbes du XXe siècle, a vécu une anecdote marquante lors du championnat du candidat de 1968 à Belgrade. En tête du match contre le redoutable Mikhail Tal après les cinq premières parties, Gligorić menait avec une victoire obtenue en jouant les Noirs et quatre nulles. Pourtant, cette avance fut compromise non pas par le jeu seul, mais par l’attention qu’il porta aux critiques d’un journaliste. Avant la sixième partie, ce dernier affirmait s’ennuyer à cause des mêmes variations répétées, ce qui affecta la concentration de Gligorić et contribua à sa défaite dans le match.
Né dans une famille modeste à Belgrade en 1923, Gligorić a commencé à apprendre les échecs à l’âge de onze ans grâce à un pensionnaire accueilli par sa mère. Faute de moyens, il fabriquait lui-même ses pièces en liège de bouchons de bouteilles de vin. Devenu un champion national à douze reprises et un grand maître respecté mondialement, il était aussi reconnu pour sa grande sportivité et sa capacité à entretenir une amitié avec Bobby Fischer, ce qui était alors rare. Son charisme et son intégrité ont marqué durablement le monde des échecs, au-delà de ses performances sur l’échiquier.